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LE  MARÉCHAL-FERRANT
N°67 septembre 2005

Montessonnais de 2ème génération, né en 1941 dans la maison du libraire Place Roland Gauthier et placé en nourrice chez le maréchal-ferrant de la rue du Général Leclerc, j’ai vu vivre la forge. Le travail du maréchal-ferrant était vital pour le village, qui comptait encore plus de 500 chevaux après la guerre. C’est l’un d’entre eux qui évoque pour nous cette profession disparue en 1959.

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La forge de M. Helloy rue de la Mairie, vers 1918.
M. Grégoire lui succéda, jusqu’en 1959.

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« Bonjour ! Je suis Boule, un cheval de la plaine de Montesson.
Aujourd’hui, je vais acheter des chaussures neuves, enfin ... presque, car pour un cheval c’est se faire poser des fers … chez le maréchal-ferrant bien-sûr...
Mais, vous ne voyez peut être pas ce qu’est un maréchal-ferrant ?

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Suivez-moi dans sa caverne :
On pénètre dans un grand hall fermé par un portail à cinq battants. Les murs blanchis à la chaux sont devenus grisâtres  par les années et la fumée. 
A l’entrée, pour nous attacher pendant le ferrage, deux anneaux sont scellés au mur de gauche. Au fond  toujours sur la gauche, la forge  et son foyer sont composés d’un grand bac d’environ 3 mètres sur 3, rempli de petit charbon ; au dessus un soufflet, comme un très gros accordéon, manœuvré à la main à partir d’une très longue poignée métallique, sert à activer le feu et permet sous la croûte ardente du charbon de chauffer le métal qui devient d’un rouge presque blanc.
Accrochés autour du bac, des marteaux de différentes formes servent à la fabrication des fers : le biseauté pour couper le métal, la masse pour le former, celui à pointe carrée pour faire l’empreinte du clou, etc.
Devant la forge deux enclumes de belle taille et au fond du hall sur la largeur restante un établi supporte deux étaux sur pieds.
D’autres outils servent à la réparation du matériel agricole : une grosse perceuse électrique verticale et une fraiseuse manuelle dont la rotation est accentuée par une roue horizontale de 2 m de diamètre placée en partie supérieure de l’appareil, pour le perçage et le fraisage des trous sur les socs de charrue ; une grosse cisaille à levier termine cet inventaire.
Bien, vous connaissez l’endroit, voyons maintenant le travail.

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Le maréchal est secondé par Jann, un émigré tchèque arrivé en 1927 en France avec sa famille, un orfèvre dans son travail. Très tôt le matin, souvent avant 7 heure l’été, ils commencent à préparer les fers; l’un tient dans sa main droite, avec une pince, un morceau de fer porté au rouge, et dans sa main gauche un gros marteau ; le second à en mains une grosse masse. A tour de rôle, ils frapperont le fer posé sur l’enclume qui prendra ainsi sa forme définitive une fois que les trous pour le passage des clous seront faits par le marteau à pointe carrée.
Maintenant passons à la pose.

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Rappelez-vous, je suis Boule…
On m’attache à un des anneaux, Jann me passe une sangle sous la patte, la soulève et prend appui sur ma croupe. Le maréchal ferrant enlève le fer usé, nettoie la corne du sabot avec une lame très affûtée, puis va chercher le fer encore chaud et l’applique sur la semelle du sabot qui dégage une épaisse fumée à l’odeur de corne brûlée.
Le sabot est ensuite taillé suivant l’empreinte ainsi faite pour que le fer puisse être définitivement posé. Il est fixé par des clous à corps plat et tête carrée qui sont enfoncés légèrement en biais pour une meilleure attache. Les pointes qui ressortent sur le coté du sabot sont sectionnées et limées.
Voilà, les fers sont fixés, je vais vous quitter pour aller dans la plaine, labourer ou herser, ou tirer les lourdes charrettes de légumes jusqu’aux Halles de Paris ».
Les compétences du maréchal ferrant sont multiples : il pose les fers, répare les charrues et brabants, fabrique des plantoirs, donne des soins médicaux  aux chevaux sur les conseils du vétérinaire... Sa forge est aussi dans le village, comme le café, un lieu de rencontres entre copains et de discussions le soir après le travail. L’hiver on y grille aussi des châtaignes que l’on déguste en évoquant les dernières histoires de chasse...
Bref, cette forge qui n’existe plus, si vous saviez combien je la regrette… Bernard Berenger.

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