Voter en son âme et conscience,
dans le secret de l’isoloir…
N°80 novembre 2007
Les premières élections municipales.
Selon la Déclaration des Droits de l’Homme tous les citoyens naissent libres et égaux en Droit. Mais en 1790 seuls les citoyens dits « actifs » peuvent voter. Les femmes, les mineurs (moins de 25 ans !), les pauvres, les domestiques… sont exclus de leurs droits civiques parce qu’ils « dépendent d’autrui »…
Ce dimanche 31 janvier 1790, 87 citoyens actifs sont réunis dans l’église paroissiale. On nomme un président et 3 scrutateurs. Chacun doit écrire le nom d’un candidat sur un papier… mais « Monsieur le Curé ayant fait remarquer que la plus grande partie des présents ne savent point écrire » propose que « ceux qui ne savent point écrire s’adresseront à l’un des trois scrutateurs qui écrira le nom qu’ils désigneront, en présence des deux autres scrutateurs ».
Les élus : Léonard Alexandre Soyer, vigneron, 63 ans, maire. Puis le curé Jean Barrière, Jean Léonard Guyard, Augustin Elie Aubry, Jean Baptiste Guyard et Jean Castel.
Et le secret du vote ? On en est encore loin. Pendant longtemps, l’électeur rédige son bulletin, le plie, puis le remet au président qui le dépose dans l’urne. Cette pratique peut générer quelques abus….
Un maire du second empire
Augustin Visbet est un maire très contestable. Une enquête policière établit qu’il « rédige des procès verbaux contre les habitants qui ne sont pas connus comme appartenant à son parti » et fait bénéficier ses amis d’une indulgence coupable, qu’il « annule des procès verbaux moyennant une somme versée entre ses mains », qu’il « emploie le garde champêtre à son service personnel », qu’il « salarie son adjoint comme bedeau, fossoyeur et sonneur de cloches », etc.
Néanmoins le préfet renonce à le suspendre.
Il est vrai que ce maire collabore efficacement avec le pouvoir impérial : ainsi, à l’issue d’élections législatives, il livre au préfet les noms et agissements (distribution de bulletins, arrachage d’affiches, « conférences de cabaret ») des « meneurs » qui ont fait campagne contre le candidat officiel (le gendre du dit préfet !), puis il conclut sa lettre : « Il nous a bien été facile de reconnaître les votes des électeurs par la différence du papier et de l’impression » !
Il ajoute « sur les 105 électeurs qui ont voté pour le candidat de l’opposition, on peut en compter 60 qui ont été entraînés par les socialistes dont je vous enverrai la liste à la fin du mois ».
Sans commentaire ! Mais il ne s’agit pas de fustiger ce malheureux maire, qui agissait comme bien d’autres de son temps, à l’incitation de l’administration bonapartiste.
L’enveloppe banalisée et l’isoloir ne datent que de 1913.
Visbet finit par être contesté même par ses amis politiques. Ainsi ce courrier envoyé au préfet par un brave citoyen ulcéré : « On disait dans le pays que c’était dommage de ne pas voter pour votre gendre…souvenez vous M. le préfet qu’il n’y a eu à Montesson qu’une seule voix contre l’Empereur*.Et bien, les habitants ne sont pas changés, sinon qu’ils sont contrariés (par Visbet), voilà tout.
Vous dire qu’on n’a jamais eu aucune idée républicaine. A Montesson du temps de la République, ça serait vous mentir.
Mais je défie que l’on trouve un pays dans le département plus « napoléoniste » que Montesson aujourd’hui » !*En1852, au plébiscite en faveur du rétablissement de l’Empire
« M’sieu l’maire, quoi c’est donc qu’un bibiscite ?
C’est un mot latin qui veut dire OUI ! » Caricature de Daumier
La Une du Titi, journal satirique, 25 octobre 1879, à propos du concours pour la statue à ériger place de la République à Paris.
Les 4 déboulonneurs : un orléaniste (le parapluie de Louis Philippe), un bonapartiste (la barbiche de Napoléon III), un légitimisteet un prêtre.
Les campagnes restent très attachées à la monarchie ou à l’Empire, ainsi à Montesson :
En séance du conseil municipal de mai 1877, « Monsieur de Banville demande qu’il soit fait acquisition pour la mairie et les écoles du buste de la République ».
La proposition est rejetée par 11 voix contre 5.
A cette date, le maire est Félix Philippe, un cultivateur aisé, catholique pratiquant, élu sur les listes bonapartistes depuis 1851, maire depuis 1870.Auguste Faullain de Banville, architecte de la mairie-école et maire évincé aux élections de 1870, est de retour au conseil en 1876 à la faveur d’élections partielles. C’est un « républicain très avancé » selon un rapport préfectoral.
Bonapartistes et républicains s’affrontent pendant 10 ans.
Aux municipales de 1878, succès bonapartiste contesté : « le fils du maire a forcé les ivrognes et les vieillards à voter… ».
Succès républicain en janvier 1881, consolidé aux scrutins suivants.
Lors du 1er conseil de 1881 présidé par le nouveau maire A. de Banville :
« Monsieur le Maire expose dans un langage patriotique que le nouveau conseil doit être aussi surpris que lui de ne pas voir figurer dans la salle de la mairie le buste de la République, emblème de nos institutions démocratiques. Il ajoute que, depuis 10 ans, le gouvernement de la République a accompli de grandes choses et que ce régime semble entrer de plus en plus dans nos mœurs.
Il est donc temps, dit-il, de réparer l’oubli volontaire de nos devanciers » ! Le conseil, à l’unanimité, vote un crédit de 100 F pour l’achat et à l’installation du buste de Marianne.
Juillet 1940 : Fin de la 3ème république qualifiée de « décadente », et pilonnage de ses symboles de pierre ou de plâtre. Pas partout :
En août 1943, un journal collaborationniste dénonce le maire Gaston Voillereau : « le buste de Marianne est toujours exposé à la mairie de Montesson ». Les RG reprennent le dossier de Gaston Voillereau : maire radical socialiste depuis 1928, pas d’ascendants juifs, très expérimenté, attitude correcte… Enquête : la photo du maréchal Pétain figure aussi en bonne place dans sa mairie : Il n’y aura pas de poursuite.
Et, puisque c’est la période des fêtes de fin d’année, un « Mécompte » de Noël
Dans les années 1870-80, l’Eglise catholique est opposée à la République. Le clivage politique se double d’un clivage idéologique, très marqué dans notre commune dès le mandat de Faullain de Banville : Les processions sont interdites en 1881 pour risque « d’émeutes ».
En 1883, le curé se plaint à son évêque « des ravages que l’impiété rendue plus audacieuse et favorisée par l’autorité municipale fait dans cette paroisse… ». Funérailles civiles, faible fréquentation de l’église, peu de communiants,
Les journaux conservateurs évoquent la sottise des « ânes montessonnais » qui « se sont laissés embrigader par la bande rouge » de la mairie.
Ces « ânes » méritent une bonne leçon.
Le soir du 24 décembre 1885, les paroissiens venus, comme tous les ans, assister à la messe de minuit trouvent l’église fermée.
Attente, inquiétude, colère : on tambourine à la porte du presbytère.
L’abbé Meillassoux, réveillé, s’explique : ils ne viennent pas aux offices du dimanche, ils sont avares de leurs dons aux quêtes et aux troncs… Ils se passeront du rituel de la messe de minuit.
Et il retourne se coucher !