Notre patrimoine urbain :
l’École enfantine
Dans les familles ouvrières et paysannes d'autrefois, le travail des femmes était une évidence, et la garde des jeunes enfants une nécessité. En 1870, le maire Auguste Faullain de Banville, déjà architecte de la mairie-école, signait les plans d'un asile municipal pour l'accueil des enfants de 2 à 6 ans. C'est aujourd'hui le bâtiment de la police municipale.
Une vingtaine d’années plus tard, l’asile ne répond plus aux besoins d’une population passée de 1500 à 1700 habitants entre 1866 et 1886. De plus, mal entretenu, devenu insalubre, il n’est pas adapté aux normes hygiénistes.
En 1890, le maire étant Louis Ferdinand Chauvin, le conseil municipal vote la construction d’un nouveau lieu d’accueil pour les tout petits et opte pour une classe enfantine mixte pour les 4-7 ans, en annexe à l’école élémentaire donc sans directrice, afin de bénéficier d’une subvention à hauteur de 60%.
Le choix d’un terrain divise longtemps les élus. Enfin, au conseil du 21 juin 1891, une majorité semble se dessiner en faveur de celui de Vincent Constantin, à côté de la mairie-école. L’affaire est menée tambour battant : à 16 heures 30, deux conseillers obtiennent une suspension de séance et se rendent chez le vendeur, à deux pas. La séance reprend à leur retour à 17 heures : M. Constantin a "pris l’engagement de céder à la commune son jardin et sa basse-cour sans aucune servitude pour 4000F…". Le conseil vote l’acquisition par 8 voix sur 13.
La municipalité souhaite agir d’autant plus rapidement que, dans le même temps, le curé de la paroisse a réuni les fonds nécessaires à la construction d’une école élémentaire privée confessionnelle primaire pour les filles, et d’une classe maternelle mixte. L’enjeu est de taille en ces années d’affrontement entre cléricaux et laïques. La première pierre de l’école Sainte Anne est posée le 28 août 1891 et, le 2 mai 1892, les sœurs du Saint-Esprit accueillent leurs 50 premiers élèves.
La construction de la classe enfantine publique est achevée en 1893, sous le premier mandat du maire Jean Philippe. Le 27 juin 1894, L’Avenir de Saint-Germain publie un article signé collectivement par "Des républicains anticléricaux impatients".
"…Nous attendions avec une légitime impatience une solution pour notre école maternelle (sic) laïque. Aujourd’hui celle-ci est finie, nous pouvons l’admirer en sa parfaite construction ou rien ne manque en vue de l’hygiène. Il était temps … trop longtemps nos enfants ont eu à supporter les inconvénients de l’ancienne école…".
Des directives précises ont été édictées pour que l’école publique affirme bien haut le triomphe de la République. Les bâtiments scolaires doivent être aisément reconnaissables : ils le seront en effet.
À Montesson, l’architecte est de nouveau de Banville, qui offre gracieusement les plans et dirige les
travaux. Il compose avec les directives et les matériaux locaux, pour réussir la "parfaite construction" admirée par ses contemporains : un soubassement de meulière, des moellons de belle qualité pour l’élévation des murs, des tuiles mécaniques réglementaires. Pour l’hygiène, de très hautes fenêtres sont ouvertes sur les murs Est et Ouest pour aérer les deux vastes salles hautes de 4 mètres sous plafond, un abri est prévu pour les "privés et urinoirs", la cour et le jardin invitent aux jeux et activités de plein air.
La façade principale sur la place de la mairie présente un décor symétrique sobre et classique, en harmonie avec les autres bâtiments : encadrements de pierres ou de briques pour la porte d’entrée et les fenêtres, légèrement cintrées, frontons au-dessus de la porte et de la corniche. Deux cartouches portent le monogramme de la République Française.
L’inauguration de l’école a lieu le dimanche 12 août 1894, à l’occasion de la distribution des prix. Le réveil d’Argenteuil du 19 août publie un compte-rendu enthousiaste : "c’était fête dimanche à Montesson…". Après le banquet traditionnel des élus et présidents des sociétés locales, "Les Sociétés, tambours et clairons sonnant, drapeaux en tête, se sont réunies dans une classe de l’école. M. de Banville, architecte et conseiller municipal… a remis les clés de l’école. Cela n’était pas sans un certain cérémonial qui a fait une excellente impression. Puis M. Philippe a prononcé un petit discours où il a rappelé quelles démarches il avait fallu pour obtenir la classe enfantine, etc". Retour à la salle des fêtes, saynètes et intermèdes musicaux salués par les "unanimes applaudissements" des parents… distribution des prix aux lauréats, félicitations aux enseignants, goûter de brioches à tous les enfants. Un vibrant "Vive la République" clôt cette mémorable journée.
En 1903, le bâtiment est surélevé pour créer deux logements pour les enseignants, on ajoute un préau. En 1912, la classe enfantine est convertie en école maternelle, qui sera la seule du village jusqu’en 1957 : nombreux sont, à Montesson, celles et ceux qui y ont des souvenirs émus. En 1966, les pionniers de la MJC sont autorisés à s’y installer, l’occupation a duré jusqu’en 2005 : là encore, beaucoup s’en souviennent. Depuis cette date, l’édifice est presque à l’abandon.
Quel avenir pour ce beau bâtiment dont l’extérieur est demeuré identique depuis plus de 100 ans ? Comment l’école enfantine et l’ancien asile s’intègreront-ils dans un projet de réaménagement de la place Roland Gauthier ?
Affaire(s) à suivre.