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L'Atlas Censier de Montesson

Dans quelques jours, un joyau de notre patrimoine conservé dans le bureau du Maire va quitter définitivement la commune pour rejoindre les Archives départementales.

Il s’agit de l’Atlas censier de la seigneurie de Montesson, établi en 1780 sur commande d’Henri Léonard Jean-Baptiste Bertin qui fut Lieutenant Général de Police de Paris, ministre de Louis XV et de Louis XVI , créateur des écoles vétérinaires, passionné d’agronomie et seigneur de Chatou et de Montesson de 1761 à 1791.

Le censier est un document établi par le seigneur pour la perception d’un impôt appelé cens sur l’étendue de sa seigneurie. Pour la seigneurie de Montesson, qui dépendait du prieuré Sainte Honorine de Conflans jusqu’en 1564, existent deux autres censiers antérieurs de 1406 et 1543.

Celui de Bertin se présente sous la forme d’un grand registre de 50 cm sur 65 cm relié de cuir portant ses armes en couverture. Il s’ouvre sur un frontispice illustré, suivi d’un plan général et du montant du

cens : 5 deniers par arpent de terre, "et dans les cas qu’il soit dû un cens en vin sur les maisons, sera payé soit en nature soit en argent suivant l’estimation faite lors de la récolte".

Ce censier est exceptionnel car, précurseur du cadastre, c’est aussi un Atlas : il comprend 36 planches ou plans coloriés représentant les différents quartiers de la seigneurie, où les maisons et les parcelles sont affectées d’un numéro. Chaque planche est suivie d’une feuille où sont reportés ces numéros avec les noms des propriétaires et la superficie des parcelles.

On découvre ainsi les noms des plus anciennes familles montessonnaises, et l’on peut reconstituer l’image exacte du village et de ses habitants à la veille de la Révolution de 1789.


L'HISTOIRE DE CET ATLAS CENSIER EST ÉTONNANTE

Pendant l’été 1789, dans les campagnes de France, les paysans affamés envahissent les châteaux où ils dispersent et brûlent les "terriers", ces documents détestés, notamment les censiers, qui attestent de leur état de servitude.

Cette "Grande Peur" prélude à l’abolition des privilèges le 4 août 1789. En juillet 1793, la Convention ordonne que tous les terriers soient remis aux élus des communes pour être brûlés.

À cette date, Bertin a émigré après avoir vendu les deux seigneuries de Chatou et de Montesson à la

marquise de Feuquières. C’est donc celle-ci qui dépose le précieux registre entre les mains du maire Jean Barrière, ex-curé de la paroisse, qui ne le détruit pas.

En avril 1795, le censier est officiellement réclamé pour etre restitué aux héritiers de Mme de Feuquières guillotinée en juin 1794. À une nouvelle injonction en novembre 1796, Jean Barri.re* tente encore d’argumenter sur « la perfection de l’Atlas » et sur son utilité pour établir l’assiette des nouveaux impôts révolutionnaires dans la commune, « attendu que les biens des particuliers y sont fidèlement détaillés ».

Enfin, ultime argument un peu teinté de mauvaise foi, il insiste sur la difficulté à déplacer l’ouvrage dont le poids atteint les 50 livres**.

On peut penser que les héritiers ont fini par récupérer l’Atlas car il n’a figuré dans aucun des inventaires de nos archives. Selon des témoignages oraux, il aurait été retrouvé dans une salle des ventes et offert à un maire de Montesson, entre 1923 et 1965… mais nous n’avons pas encore trouvé de trace écrite de ce don. Il était en très mauvais état et a été récemment restauré aux frais de la commune.

Les visiteurs de l’exposition organisée à la mairie dans le cadre de la journée du patrimoine 2016 seront donc les derniers Montessonnais à avoir vu ce témoin de notre histoire et ce n’est pas sans un pincement au cœur que nous le voyons partir.

Nous espérons que les Archives D.partementales en assureront une parfaite conservation et que sa

numérisation permettra aux chercheurs et aux curieux de le consulter facilement. 


*de 1795 à 1800 les communes de moins de 1 000 habitants sont regroupées en canton. Le président de notre canton est alors Jean Barrière.

** ADY sous série 4Q, dossiers de séquestres révolutionnaires.

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