Il y a 150 ans, les années
terribles, 1870 et 1871
Pour se souvenir que les générations d'autrefois ont connu des années difficiles.
Pour Victor Hugo, 1871 fut "l'année terrible". Toute ressemblance...
En 1870, une épidémie de variole qui couvait depuis 1865, s’étend à tout le territoire. Forte fièvre, maux de tête, extrême fatigue… précèdent l’apparition de pustules purulentes. La maladie se transmet par les expectorations, les contacts et les linges souillés. La mortalité est d’environ 1/3 des malades, le seul remède est le vaccin, mais il est parfois de qualité incertaine, et on oublie de revacciner.
La guerre engagée fin juillet contre la Prusse est un désastre, les Prussiens sont bientôt aux portes de Paris. Dans les villages alentour, c’est la panique. Vite on enterre argenterie et autres biens précieux dans les jardins.
Le siège de Paris commence le 19 septembre. Le lendemain, quand les Prussiens entrent à Montesson, la moitié des 1500 habitants du village a déjà fui à Paris ou en province.
Dès leur arrivée, les Prussiens ont fait détacher les cordes du clocher, les cloches seront muettes pendant plus de 4 mois. Dans un silence oppressant quelques 800 personnes se réfugient dans les carrières avec bétail et basse-cour, dans des conditions de promiscuité effroyable : "…On y mangeait, on y dormait, on y pratiquait la vie ordinaire à la lueur des lampes à pétrole ; la fumée du charbon de terre servant à la cuisson des aliments, les débris de toutes sortes, les secrétions des gens et des bêtes… Tout cela s’amoncelait et devait nécessairement exercer les plus mauvaises influences sur la santé des imprudents qui avaient choisi ces dangereuses retraites. Malgré les conseils du médecin, du curé, de l’instituteur, malgré la maladie qui faisait des victimes, les carrières ne furent évacuées, sur l’ordre des Prussiens, que le 16 octobre, après 4 semaines."
Entre temps, 250 Prussiens sont logés dans les maisons vides et dans l’école des filles, mais l’occupation dura peu "nous avions des convalescents variolés qui étaient effrayants à voir… les chefs prussiens ne pouvaient sortir de chez eux sans rencontrer quelque malade. Ils craignirent la contagion et s’en allèrent loger à Carrières-Saint- Denis emportant nos matelas et nos
couvertures ".
Bénéfique l’épidémie ?
Pas de Prussiens à Montesson, alors que les communes voisines subiront leur présence pendant toute la durée du siège.
Le maire, Félix Philippe - qui n’a pas abandonné sa commune - devra néanmoins obéir aux réquisitions de paille, de foin, de vin du cru “et de bordeaux“, de chandelles, de charrettes, de bois, de main d’œuvre…
La mairie-école a été inaugurée en 1868, la commune est très fière des deux grandes salles de classes - filles et garçons- du rez-de-chaussée, mais l’école n’est pas encore gratuite. Sur environ 170 élèves normalement inscrits, une soixantaine seulement seront scolarisés cette année-là, les autres sont "réfugiés à Paris", tandis que d’autres "courent les rues", car les parents ne peuvent payer la rétribution.
Pendant le siège, l’activité est réduite, plus de vente aux Halles de Paris, un hiver glacial, Les quelque 500 réfugiés à Paris y souffriront de la faim, du froid, de la séparation. À Montesson, le maire distribue des secours aux sans-travail. On meurt de maladie, de faiblesse, d’angoisse : les décès de 1870 à 1872 sont les plus nombreux de la décennie.
Le 19 janvier 1871, la commune est atteinte par des projectiles envoyés du Mont-Valérien, vaine tentative de percée du siège, l’armistice est conclu le 28 janvier. Dix jours plus tard, les citoyens élisent leurs députés – dans la précipitation : pas de campagne électorale, des villages désertés, un absentéisme record : 72 votants à Montesson ! - mais il ne peut être question de retarder cette élection, car c’est l’Assemblée Nationale qui doit décider : continuer la guerre ou accepter la défaite. Ce sera la défaite.
En mars, une partie des Parisiens, privée des aides sociales accordées pendant le siège, et révoltée à la vue des Prussiens autorisés à camper sur les Champs-Élysées, après un siège si douloureux, s’est insurgée. La Commune de Paris ne dure que 72 jours, et s’achève en guerre civile. Alfred Lesage, d’une vieille famille montessonnaise, sous-lieutenant de la Garde Nationale, est condamné à 2 ans de bagne puis à la déportation simple en Nouvelle-Calédonie pour avoir pris le commandement d’une barricade.
Ceux qui ont fui le village reviennent peu à peu. La Seine-et-Oise fait partie des départements encore occupés après la signature de la paix jusqu’au règlement partiel d’une lourde indemnité de guerre. Montesson a hébergé 500 fantassins en mars, puis 700 lanciers et dragons et 200 chevaux du 16 mai au 1er juin.
De Paris, fin mai, montent les flammes, les fumées et les clameurs des derniers combats de la Commune. La vie normale sera longue à retrouver.
Sources
Enquête préfectorale 1871 : témoignages de l’instituteur, du maire et du curé (Archives Départementales des Yvelines).
Sur Alfred Lesage : archives famille Héry-Lesage ; Article MHM dans Montesson en direct n°113 mai 2013 ; Le nouveau Maitron, article 64386.
Photos locales MHM.