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Contribution citoyenne,
équité et transparence

Comme chaque année au printemps revient l’heure d’établir la déclaration de nos revenus.

MONTESSON, PRINTEMPS 1789…

Après deux années de mauvaises récoltes, de hausse des prix et de disette, les villageois sont aux abois. En juin, les Montessonnais adressent une supplique au roi et une autre à Necker, son ministre des finances ; ils écrivent : « une année de malheur nous réduit à la charité publique… les émigrations se sont déjà fait sentir dans la paroisse, nous comptons plusieurs familles éteintes, ce sont des pertes qui ne se remplacent pas ». L’État surendetté a multiplié les impôts directs : à la taille s’est ajoutée la capitation, puis le vingtième, le dixième… Il faut aussi payer la gabelle sur le sel, les aides sur le vin, etc.

Et quand les manants ont versé la part due au Roi, ils doivent encore s’acquitter des redevances envers le seigneur et le curé.

En 1780, le seigneur Bertin a établi avec précision le montant du cens, qui est une taxe sur les terres et les maisons*. En outre, tout seigneur exerce des droits de police et de justice, peut exiger des journées de corvée sur ses terres notamment pour les vendanges et encore percevoir des taxes pour l’usage du pressoir et du moulin seigneuriaux.

Quant au curé Barrière nommé en 1786, il a aussitôt fait établir un acte notarié spécifiant de façon détaillée tout ce qui lui est dû au titre de la dîme, règlement en argent pour les produits immédiatement consommables ou vendus sur les marchés, et prélèvement en nature sur les récoltes à entreposer dans la grange à dîmes. : « payer à raison de 30 sols par arpent les dîmes sur les asperges, pois, fèves et haricots qui seront récoltés en vert. Laisser en nature le dixième des lentilles, pommes de terre, grains, foins, à peine de dix livres d’amende ; faisons défense aux propriétaires de chasselas** et vignes de cueillir aucune des dites treilles avant d’avoir fait leur déclaration au curé ».


UN NOUVEAU SYSTÈME

Le 4 août 1789 les privilèges sont abolis, le cens, la dîme et autres charges envers les nobles et le clergé sont supprimés. Le 26 août, la Déclaration des droits de l’Homme énonce les principes qui sont encore la base de notre fiscalité : l’égalité devant l’impôt, le vote de l’impôt par les représentants des citoyens et le contrôle des dépenses publiques : « Pour l’entretien de la force publique et pour les

dépenses d’administration une contribution commune est indispensable, elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés Les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la necessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

Le mot de « contribution » apparaît, terme adapté aux notions nouvelles de libertés civiques et de consentement à l’impôt. 

À l’automne 1789, Necker lance la « contribution patriotique », un emprunt théoriquement remboursable. En février 1790, à partir des déclarations de ressources des 238 chefs de famille du village, le curé Barrière établit un registre co-signé par le maire Leonard Alexandre Soyer des 28 citoyens et citoyennes qui sont effectivement imposés. Chacun déclare : « mon voeu étant de contribuer aux besoins de l’État, j’offre librement et volontairement la somme de x… livres ». Le curé Barrière contribue pour 300 livres, Antoine Jouannot, maçon et futur maire, contribue pour 72 livres, les autres offrent des sommes inférieures à 10 livres.

En 1791, la commune procède au recueil des déclarations des propriétaires afin de préparer les rôles des contributions foncières et mobilières. Cette charge est confiée à dix-huit citoyens bénévoles dont la probité est reconnue, qui ont ensuite à « fixer en leur âme et conscience » la valeur des différentes terres de la commune : terres labourables, pierreuses ou sableuses, terres à vigne, prés et bois. Enfin, trois commissaires, le curé Barrière, Léonard Soyer et Jean Baptiste Guyard, sont nommés pour « travailler sans relâche à l’établissement des matrices des rôles des contributions foncières et mobilières ». Une rétribution est prévue, le curé Barrière la refuse : « ma seule récompense… est de me rendre utile à mes concitoyens et de donner de nouvelles preuves de mon patriotisme et de mon attachement à la Constitution… ». 

En 1798, l’impôt sur les portes et fenêtres complète la série des impôts créés pendant la révolution. Merveilleuse démocratie naissante qui confie aux contribuables la tâche de fixer eux-mêmes en leur âme et conscience le montant de leur imposition ! Mais toutes les communes ne répondront pas avec autant de zèle que Montesson.

Napoléon sera le véritable organisateur de notre fiscalité. Le système des contributions sur les biens patrimoniaux ne sera réellement fixé que lorsque toutes les communes seront dotées du cadastre, vers 1820. Quant à notre impôt sur le revenu, il ne date que de 1914.


* Voir notre article sur le censier dans le précédent magazine.

Source texte : « Un village dans la Révolution, Montesson 1787-1794 » AMCRF 1989

Source images : Exposition AMCRF pour le bicentenaire de 1789

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